Lors de la refonte ou de la création d’un site web, la conception est une phase critique. C’est à cette étape que sont définis les fonctionnalités, les contenus pertinents et les grandes lignes du design, de façon à atteindre les objectifs du projet.
Or, on ne le répétera jamais assez, le succès d’un projet multimédia dépend du taux de satisfaction des utilisateurs et de ce qu’ils font du produit. Les objectifs sont atteints selon les actions (conversions) posées par ces derniers : voter, signer une pétition, trouver une information ou acheter un produit. Tel qu’imagée dans « The User is always right »1, la relation d’un utilisateur avec un site web est l’équivalent d’une conversation ou d’une négociation pour l’amener au but recherché.
Il faut donc s’assurer de recentrer le contenu d’un site et ses fonctionnalités vers l’utilisateur. C’est le cœur de ce qu’on appelle l’utilisabilité.
Qu’est ce que l’utilisabilité?
Wikipédia définit ce concept comme étant
le degré selon lequel un produit peut être utilisé, par des utilisateurs identifiés, pour atteindre des buts définis avec efficacité, efficience et satisfaction, dans un contexte d’utilisation spécifié.2
Plus précisément, ces trois critères sont :
- l’efficacité : le produit permet à ses utilisateurs d’atteindre le résultat prévu ;
- l’efficience : atteint le résultat avec un effort moindre ou requiert un temps minimal ;
- la satisfaction : confort et évaluation subjective de l’interaction pour l’utilisateur.2
Le grand défi de l’utilisabilité consiste à
maximiser la valeur de la solution à concevoir, pour les utilisateurs, sous les contraintes de temps, délais et coûts3,
soit de trouver un équilibre entre les demandes des clients ou du patron et les besoins des utilisateurs.
Intégrer une approche d’utilisabilité lors de la création d’un site web permet d’adapter les fonctionnalités du site en fonction des besoins et des attentes des utilisateurs. Une telle approche suit généralement ces étapes:
- traduire les souhaits du client en besoins fonctionnels ;
- connaître la situation actuelle (le site existant, ceux des compétiteurs, etc) ;
- connaître les utilisateurs ;
- préciser les fonctionnalités selon les résultats des tests utilisateurs.
Ce que le client veut – traduire les demandes des clients en fonctionnalités
A l’étape de la conception, les promoteurs d’un projet et les différentes parties prenantes ont une liste plus ou moins définie de demandes pour leur site.
Par exemple, dans le cadre de mon travail de chargée de projet, les clients arrivent souvent avec des idées du type : « Dans le cadre de la refonte, nous aimerions ajouter un blog ». En discutant avec les clients et en faisant ressortir les objectifs derrière ces demandes, il apparaît souvent que ce n’est pas la solution idéale pour rejoindre leurs publics ou pour répondre à leur besoins.
Aussi, comme l’explique Carolyn Chandler dans le chapitre 5 de «A Project Guide to UX Design»4, une idée peut parfois avoir différentes interprétations chez les parties prenantes.
Il est donc crucial de bien définir les besoins derrières ces idées et les objectifs qui y sont rattachés pour être en mesure de les traduire en fonctionnalités.
On peut également, à cette étape, faire ressortir les éléments qui pourraient devenir des enjeux pour les utilisateurs, tels qu’une collecte d’information personnelle trop invasive.
Connaître la situation actuelle
L’étape suivante consiste à faire une analyse du site actuel, dans le cas d’une refonte, et des sites des concurrents, de façon à connaître leurs forces et leurs faiblesses. On mesure le degré d’utilisabilité d’un système ou d’un produit avec des tests utilisateurs, des évaluations expertes ou avec une évaluation heuristique.
Vous avez dit heuristique?
L’objectif de l’évaluation heuristique est de trouver les problèmes d’utilisabilité le plus tôt possible dans la conception d’un site Web afin que des améliorations puissent être introduites dans le cadre du développement. Une évaluation heuristique a comme avantage d’être rapide, pratique et peu coûteuse. Pour bien mener ce genre d’évaluation, il faut:
- avoir une bonne connaissance du produit et du projet : les objectifs du site, la liste des usagers principaux, l’environnement technologique des usagers (navigateurs, utilisation du mobile, etc.) ;
- sélectionner de 8 à 12 critères heuristiques à utiliser pour l’analyse.
Jakob Nielsen, un des leaders dans le domaine de l’utilisabilité, a listé 10 principes généraux à suivre5 :
- La visibilité de statut du système: le système devrait toujours informer les utilisateurs de l’endroit où ils se trouvent et sur ce que fait le système. Par exemple, dans le cas d’un téléchargement qui n’indique pas la progression du téléchargement du fichier, la personne pourrait cliquer plusieurs fois sur le bouton soumettre, empêchant sa requête d’aboutir ou téléchargeant le fichier plusieurs fois.
- Concordance entre le système et le monde réel : le système doit pouvoir informer les utilisateurs dans un langage qu’ils comprennent.
- Contrôle de l’utilisateur et liberté : trop souvent, l’utilisateur choisit un menu ou clique sur un lien par erreur. Il doit pouvoir retourner facilement d’où il vient.
- Consistance et standards : utiliser des standards et des normes graphiques, une iconographie et un vocabulaire normalisés. Un usager ne devrait pas se demander si différents mots ou boutons font la même chose.
- Prévenir les erreurs : prévoir les erreurs que les usagers pourraient faire de façon à les éviter.
- Reconnaissance plutôt que rappel : les options, les menus et les actions devraient être visibles et repérables rapidement.
- Flexibilité et efficacité : privilégier les raccourcis pour les usagers plus expérimentés.
- Design et esthétique minimalistes : éviter de surcharger l’interface d’information visuelle inutile. De même, les textes doivent aller à l’essentiel. Les premières impressions visuelles ne doivent pas être négligées car elles ont un gros impact sur la perception de l’utilisateur.
- Fonction d’aide pour les utilisateurs : les messages d’erreurs doivent être clairs, précis et indiquer clairement le problème et la solution.
- Aide et documentation : fournir de l’aide et de la documentation appropriée pour utiliser le système (même si dans un monde idéal un site devrait être assez simple d’utilisation pour ne pas en avoir besoin).
Ces petites règles sont simples à appliquer mais font toute la différence. Les problèmes soulevés durant l’évaluation heuristique peuvent être notés et ajoutés à la liste des fonctionnalités.
Connaître les utilisateurs : qui sont-ils ?
Il faut ensuite déterminer qui sont, ou seront, les utilisateurs de notre site, leurs besoins et leurs comportements lorsqu’ils utilisent une fonctionnalité en particulier.
À ce stade-ci, l’erreur la plus fréquente est de croire, sans conduire de recherche, que nous savons ce que veulent les utilisateurs.
« Moi, c’est ce que je ferais. Je sais ce que mes utilisateurs veulent ».
Erreur, vous n’êtes pas vos utilisateurs !!
Et pourquoi ? Une explication intéressante est proposée dans « The User is always right »1.
Tout d’abord, les utilisateurs ont des objectifs différents de ceux du promoteur ou du développeur.
Ensuite, les utilisateurs ne se sentent pas aussi concernés que le concepteur au sujet d’un site. Alors que le concepteur sera totalement immergé dans son projet, tout ce que veut un usager est trouver ce qu’il est venu chercher et partir au plus vite.
Pour terminer, les usagers ne sont pas tous les mêmes. La clientèle n’est pas une seule et même personne.
Pour bien déterminer ce que veulent les usagers, il est préférable d’utiliser la recherche utilisateur.
Définir le groupe principal d’utilisateur
Cette étape est toujours difficile en début de projet. Comment s’assurer que l’on s’adresse aux bonnes personnes ?
La meilleure façon est de créer une définition provisoire des utilisateurs pour qui le site sera conçu: les consommateurs potentiels, les acheteurs actuels, les partenaires, les chercheurs d’emplois. La documentation existante sur l’entreprise pourra également servir de base : plans annuels, plans de communication, segmentation de marché, etc. Au fur et à mesure que la recherche avancera, ces groupes pourront être priorisés.
L’auteur apporte un excellent point en soulignant que de créer un modèle d’utilisateur avant d’avoir commencé les recherches peut biaiser les résultats. Non seulement, cela peut influencer les tests dans une direction particulière au lieu de les laisser neutres mais il y a aussi le risque que le client ne prenne ce modèle pour des résultats concrets et décide de le substituer à la recherche.
Planifier la participation des utilisateurs
Comme dans tout projet, il est important de bien définir les objectifs derrière cette recherche. Que cherche-t-on à apprendre? Il faut ensuite choisir les méthodes pour recruter les participants, définir les sujets qui seront couverts dans la recherche et planifier l’aspect logistique.
Le nombre d’activités de recherche dépend bien entendu du temps alloué et du budget disponible. Idéalement, 2 phases de tests sont recommandées : une lors de la phase de définition des utilisateurs et une 2e ronde pour valider le design.
Voici quelques techniques de recherche utilisateur fréquemment utilisées :
- L’entrevue : L’attention apportée à la préparation des questions est primordiale car la qualité des informations recueillies dépend beaucoup de ces dernières. Il faut éviter de leur donner un ton biaisé et s’assurer qu’elles susciteront des réponses à développement.
- L’observation sur le terrain (ethnographie) : il s’agit en fait d’observer le participant dans son environnement pendant qu’il utilise le site, soit directement dans son milieu de travail ou à la maison, etc. Cela permet de voir les problèmes et enjeux en temps réel lors de l’utilisation, le genre d’équipement utilisé et les préférences des utilisateurs (par exemple, utilisation de la souris au lieu du clavier). Par contre, cette méthode exige plus de temps.
- Sondages
- Focus groupes
- Card sorting
- Test utilisateurs : demander aux participants de conduire des tests précis sur certaines applications ou sur un site web, pour identifier les enjeux potentiels. Ces tests peuvent être conduits lors du design de façon itérative: création du design, test, modification, nouvelle phase de test.
Valider la définition du groupe d’utilisateur
Suite à la conduite des tests utilisateurs, il est conseillé de raffiner la définition du groupe d’utilisateurs en fonction des résultats obtenus. Cela pourra servir, entre autres, au développement des persona.
Préciser les fonctionnalités selon les tests utilisateurs
Une fois les tests conduits, les résultats décortiqués et les groupes d’utilisateurs revalidés, vient l’étape de présenter les résultats et recommandations pour préciser les fonctionnalités du site. On pourra revalider les fonctionnalités qui ressortent des tests avec les besoins et les objectifs identifiés par les clients en début de projet. En cours de route, d’autres tests utilisateurs pourront être conduits, pour revalider certains éléments de design ou fonctionnalités.
J’aimerais terminer en reprenant cinq règles à suivre que propose « The User is always right »1 pour s’assurer du succès d’une démarche d’utilisabilité :
– Reconnaître que les objectifs d’affaires ou les conversions sont directement liés au niveau de satisfaction d’un usager.
– Admettre que vous n’êtes pas vos utilisateurs.
– Ne pas avoir peur d’interagir avec vos utilisateurs pour en apprendre plus sur eux.
– S’assurer que les résultats des recherches sont compréhensibles et utilisables.
– Prendre des décisions en fonction des résultats de ces recherches.
Sources:
- MULDER, Steve The user is always right, a practical guide to creating and using personas for the web, 2007, p. 3 à 16.
- Utilisabilité, WIKIPEDIA, http://fr.wikipedia.org/wiki/Utilisabilit%C3%A9 (en ligne)
- MEYER, François, Gestion de projet en multimédia, Notes de cours (cours 7), Université de Sherbrooke
- CHANDLER, Carolyn, A Project Guide to UX Design: For user experience designers in the field or in the making, 2009, chapitres 5 et 6
- NIELSEN, Jakob, Ten Usability Heuristics, http://www.useit.com/papers/heuristic/heuristic_list.html (en ligne)
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